« J’avais 20 Ans en ’14 », Gare des Guillemins, à Liège. #culture #histoire #wallonie

Prolongée jusqu’au 30 août, l’exposition « J’avais 20 Ans en ’14 » – dont S.M. le Roi Philippe a déclaré qu’elle « constitue une véritable leçon d’histoire sr la Grande Guerre » – se revendique d’être, sur 800 m de long et 4.000 m2, « La plus grande Exposition au Monde sur la 1ère Guerre mondiale »… « Si ceci est difficile à vérifier, il est certain qu’elle se distingue par une scénographie « sons et lumières » d’un réalisme saisissant…
Ainsi, après quelques salles, en marchant dans une tranchée, de 30 m de long, où même les flaques d’eau et la boue sont fidèlement reconstitués, tel un « poilu » (très souvent, les soldats n’avaient pas emporter de quoi se raser, d’où cette appellation), nous observons le champ de bataille, où quelques soldats ayant franchi les barbelés, progressent, en essayant d’éviter balles et grenades allemandes. Du côté intérieur de la tranchée, nous découvrons quelques pièces d’habitation, creusées dans la terre et dépourvue de tout confort. Dans une pièce, nous voyons une boîte de cubes de potages « Maggi », avec un gros rat (rassurez-vous, mesdames, … empaillé) sur l’une d’elles. Dans une chambre, sur une table, quelques conserves de « singe » (nom donné à du boeuf assaisonné, qui se consommait sans être réchauffé), agrémentant une alimentation des plus sommaires.
Nous voici devant une dizaine de lits d’une « ambulance » – hôpital de campagne se trouvant à proximité immédiate du front, installé, ici, au sein d’une école, le plus connu étant l’ « Ambulance de l’Océan », à De Panne, dirigé par le Docteur Antoine Depage (1862-1925), prestant sous l’oeil attentif de la Reine Elisabeth (1876-1965) -, où des infirmières s’affairent auprès des blessés, le matériel médical étant exposé dans plusieurs vitrines, jouxtant la chambre commune. Nous y relevons la présence de deux scies, nécessaires pour pratiquer de trop nombreuses amputations, dont le grincement, en action, était redouté par les soldats valides qui espéraient ne devoir jamais passer par cette rude épreuve.
Plus loin, nous pénétrons dans une chapelle catholique, et assistons, impuissants, par un vitrail brisé, à l’exécution au pistolet d’un civil, les corps du bourgmestre et du curé gisant quelques mètres plus loin. Au sortir de ce lieu, l’effroi atteint son paroxysme, lorsque nous entendons le cri, strident, désespéré, d’une fillette en pleurs: « maman »… De fait, nous voici au sein d’une rue bombardée, où nous retrouvons un pan de mur tombé dans un lit d’enfant, un garçon pleurant son cheval mort (empaillé, évidemment), des ruines et encore des ruines…
S’il est conseillé aux parents d’informer leurs jeunes enfants de l’hyperréalisme poignant de ces reconstitutions, celles-ci nous paraissent indispensables afin que chacun, les jeunes notamment, puisse se rendre compte de l’horreur de la guerre en général et de ce celle de ’14-’18 en particulier. Ainsi Martin Schulz, Président du Parlement européen, déclarait, lors de sa récente visite: « … il est essentiel de sensibiliser les citoyens à l’importance de conserver la mémoire historique et de faire émerger, chez les jeunes, la conscience d’un destin européen, pour qu’ils puissent ainsi se projeter dans un avenir commun tout en tirant les leçons du passé ».
Cette 1ère guerre mondiale, entamée il y a juste 101 ans, le 04 août 1914, sonnait le glas de la « Belle Epoque », ère éphémère de paix, d’expansion et d’insouciance, comme nous le démontre la 1ère salle de l’exposition, époque où Paris, avec ses artistes, ses cafés-concerts, ses élégantes, ses tourbillons de frou-frou et de dentelles, était devenue un haut lieu du raffinement et de l’art, alors qu’à Bruxelles, en 1910, se jouait la 1ère théâtrale du « Mariage de Mademoiselle Beulemans », et que la Wallonie comptait parmi les trois régions les plus riches du monde…
… Mais déjà retentissent des coups de feu, à Sarajevo, le 28 juin 1914, assassinant les Souverains de l’Empire austro-hongrois, l’Archiduc François-Ferdinand (°1863) et son épouse, la Duchesse d’Hohenberg (°1868). Dans une vitrine de la seconde salle, nous retrouvons le pistolet « Browning » – livré par la « FN de Herstal », le 03 décembre 1913, à l’armurier Doucet – qui fut utilisé par l’anarchiste Gabrilo Princippro, membre de l’organisation terroriste serbe « La Main Noire »… Et l’Europe de sombrer dans la guerre! ….
Continuant notre progression, nous entendons le discours, prononcé devant les Chambres réunies, par notre Roi Albert 1er (1875-1934), la Belgique neutre étant envahie par les troupes allemandes (dont un canon original nous est présenté), le 4 août 1914: « Personne ne trahira à son devoir… Vive la Belgique indépendante ». Des affiches apparaissent, quémandant l’appui de nos concitoyens, telle celle-ci: « Debout dans la tranchée, le soldat rêve à la victoire et à son foyer pour qu’il puisse assurer l’une et retrouver l’autre… Souscrivez à l’emprunt de la défense nationale »! Des caricatures apparaissent comme celle, exposée, de ce « Manneken Pis » géant urinant sur de petits soldats allemands, avec comme légende: « la Réponse à l’Ultimatum ».
Une impressionnante douille d’obus de 400 mn d’un tristement célèbre canon allemand – utilisé pour la 1ère fois contre les forts de Liège, surnommé « Grosse Bertha » (dont les obus, pesant 7 kgs, étaient propulsés à 550m, à une vitesse de 1674 km/h) – est, aussi, exposée, son nom étant celui de la fille unique du patron de l’usine d’armement « Krupp »… De quoi donner raison à ce « poilu » français, fait « Chevalier de la Légion d’Honneur », décédé à 109 ans, Léon Weil (1896-2006), écrivant: « La guerre ne sert qu’à faire mourir les hommes et enrichir les marchands de canon… Les Allemands? Ils étaient comme nous, des pauvres types qui se faisaient casser la gueule pour rien »! …
Et si certains pensent, aujourd’hui, que cette guerre ne concerna que quelques pays européens, des panneaux nous révèlent les pays d’autres continents qui furent amenés à déclarer la guerre à l’Allemagne, certains, également, à l’Empire austro-hongrois: Brésil, Chine, Costa-Rica, Cuba, Etats-Unis, Guatémala, Haïti, Honduras, Japon, Libéria, Nicaragua, Panama, Thaïlande, une vitrine exposant les couvre-chefs de soldats venus d’Australie, d’Inde, d’Indochine, d’Italie, de Nouvelle-Zélande, de Pologne, de Russie, de Tchécoslovaquie, sans oublier le « chéchia » d’un lieutenant-colonel du 14ème régiment de Zouaves algériens, un hommage étant rendu aux tirailleurs sénégalais, ainsi qu’aux Inuits du Labrador ou autres soldats venus des Iles Fidji, ainsi que du Maroc.
Parmi les 3.000 objets exposés, notons encore: un fauteuil du Kaiser Guillaume II, (1859-1941, ce siège étant celui du « Salon impérial » de la gare ferroviaire d’Herbesthal), le 1er gilet pare-balles de l’histoire, des masques pour se protéger du « gaz moutarde », l’évocation – en ombres chinoises – du procès de l’infirmière et espionne belge Gabrielle Petit (°1893, exécutée en 1916), un autel portatif pour célébrer l’eucharistie catholique dans les tranchées, une lettre du Cardinal Mercier (1851-1926, qui écrivait: « Aujourd’hui, il n’y pas une nation au monde qui ne rende hommage à la Belgique »), des baïonnettes neuves trouvées dans le grenier d’une ferme, un coussin réalisé à partir de sacs de farines offerts par les Etats-Unis à la « Poor little Belgium », des cartes de ravitaillement, du courrier émouvant de soldats à leurs familles (quelques-unes de leurs lettres étant lues par un comédien, telle celle-ci: « je ne reviendrai pas de la guerre, … tu m’as écrit que tu étais enceinte, … assure (notre enfant) de l’amour que je lui porte, dis lui que je suis mort en héros, … je t’aime pour toujours »), une boîte allemande à tartines en forme d’aérostat « Zeppelin », un exemplaire de « Bécassine pendant la Guerre » (1915), … Et n’oublions pas le sol d’une salle où sont évoqués, ville par ville, le nombre de civils, enfants et femmes inclus, qui furent massacrés (6.500 au total, dont 674 à Dinant, incluant 6 bébés exécutés avec leurs mères, 384 à Tamines, 242 à Leuven, …)!!! … Un bien lourd tribut payé à la guerre! …
… Mais les confrontations n’étant pas uniquement terrestres, les combats en mer et, pour la 1ère fois de façon intensive, dans les airs, ne sont pas oubliés, l’exposition présentant, notamment, une torpille d’un sous-marin allemand « U-Boot », ainsi que, devant un écran à 180°, un avion rouge, celui de l’officier allemand Manfred von Richthofen, surnommé le « Baron rouge » (°1892), l’ « As des As », auteur de pas moins de 80 victoires aériennes, lui-même abattu le 21 avril 1918, à Vaux-sur Somme, précédant de quelques mois l’armistice, signé le 11 novembre 1918, à 25 ans.
… Et les cabarets de ré-ouvrir à Paris, où l’on chante: « Quand la Madelon vient nous servir à boire / Sous la tonnelle on frôle son jupon / Et chacun lui raconte une histoire / Une histoire à sa façon… » (paroles de Louis Bousquet), des oeuvres originales de Jean Cocteau, Otto Dix, Max Ernst, Charles Grosz, Pablo Picasso étant exposées, tandis que l’exposition se termine par une salle présentant 14 moulages, prêtés par le « Musée des Hospices civils » de Lyon, ayant servi en chirurgie réparatrice des « gueules cassées », des photos et peintures nous révélant à quel point nombre de visages avaient été défigurés. Outre des prothèses nasales, qui étaient suspendues par des paires de lunettes ou fixées par des vis aux moignons laissés par la blessure, nous découvrons des prothèses métalliques qui permettaient aux blessés amputés d’un bras ou d’une main de pouvoir reprendre leurs tâches professionnelles, des photos d’époque illustrant leur retour au travail, qu’ils soient bourreliers, canneurs, mécaniciens, relieurs, soudeurs, terrassiers, …
Ainsi, après une guerre dont le coût est estimé à 20.000 milliards d’Euros, la vie quotidienne traditionnelle reprenait dans notre pays, l’un des 32 pays vainqueurs de la « Grande Guerre », au sein d’un monde nouveau, n’oubliant pas les paroles d’un « poilu », décédé à 107 ans, Ferdinand Gilson (1898-2006): « Avec les Allemands, nous nous sommes tellement battus que nos sangs ne font plus qu’un », et du « Roi Chevalier »: « La 1ère récompense du devoir accomplit, c’est de l’avoir fait ».
Ouverture: 7 j./7, de 09h.30 à 18h.30. Prix d’entrée: 11€ (Seniors: 10€; 7 à 18 ans & Etudiants: 8€; jusqu’à 6 ans inclus: 0€. Audioguide: 2€. Catalogue broché soldé: 5€ (au lieu de 8€). Carnet de Jeu, d’une vingtaine de pages, offert aux enfants. Dossier pédagogique disponible sur: http://www.liègeexpo14-18.be.
Yves Calbert / Photos: Belga – AFP.
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