PESCO: vers l’Autonomie Stratégique ou la Grande Illusion?

Dr Pierre-Emmanuel Thomann, Géopolitologue, Président, Eurocontinent

Le projet de coopération structurée permanente (PESCO) en matière de défense au niveau de l’Union européenne a été approuvé par 23 pays, peut-être 25 avant la fin de l’année. Malgré les communiqués politiques des gouvernements et du Service européen pour l’action extérieure (SEAE) de l’Union européenne qui annoncent un saut qualitatif et masquent les désaccords sous-jacents, il est difficile de ne pas constater que le projet prend le chemin de la dilution par rapport aux ambitions initiales.        

Le projet d’autonomie stratégique de l’UE au moyen d’une intégration plus approfondie des politiques de défense est en réalité caduc depuis les origines. L’obstacle principal est issu de la nouvelle rivalité géopolitique franco-allemande depuis l’unification allemande et non pas le facteur britannique qui est secondaire. En effet l’Allemagne, redevenue une « puissance centrale » après sa réunification et l’élargissement de l’UE ne veut pas se couper de son flanc oriental ni pour les question de défense, ni pour les questions monétaires et refuse logiquement une Europe à plusieurs vitesses, ou à géométrie variable. la France cherche au contraire à constituer des cercles restreints (et différents) autour de la défense et de l’Euro, pour reprendre un rôle de chef de file dans le projet européen.  

L’Allemagne se détermine par sa représentation géopolitique du « Centre de l’Europe » (Mittellage) et a donc cherché à inclure le plus de pays possible dans le projet PESCO. Elle ne conçoit le projet européen que comme un sous-ensemble de l’espace euro-atlantique, donc centré sur l’OTAN, qui assure sa défense ultime avec les armes nucléaires des États-Unis, en dépit de l’élection de Donald Trump.

Le PESCO à 23 pays est évidemment dilué et les perceptions de sécurité des participants, qui déterminent leurs priorités géopolitiques, ne coïncident pas entre ceux qui regardent vers l’arc de crise Sud et ceux qui regardent vers l’arc de crise oriental. L’UE est donc largement irréformable autrement qu’en alignement sur les priorités géopolitiques germano-américaines. Les gouvernements français successifs persistent pourtant dans l’illusion que des mesures de compensation géopolitiques (Eurozone, Europe de la défense) vont rendre réversible le déplacement du centre de gravité vers l’est depuis l’élargissement de l’UE. Pour dépasser cette rivalité, c’est la vision continentale d’inspiration gaullienne qui est nécessaire afin que la France retrouve son autonomie stratégique dans une Europe des États.

Un rééquilibrage du projet euro-atlantiste exclusif actuel ne peut donc pas être efficace sans un changement d’échelle du projet européen, de Brest à Vladivostok, c’est à dire un rapprochement avec la Russie. Tant que les gouvernements français successifs ne veulent pas admettre que le projet a fondamentalement changé de nature depuis l’unification allemande, le projet européen s’éloignera des intérêts nationaux français et une identification équilibrée des intérêts européens restera illusoire. 

 

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