Législatives 2017 en France : « Post-Démocratie » et Crise de la Représentation

Pierre-Emmanuel Thomann, Géopolitologue, OPINION
Le deuxième tour des législatives en France donne la majorité absolue au président de la République Emmanuel Macron et son mouvement la République En Marche.
Cette victoire est toutefois en trompe-l’œil à cause de l’abstention massive lors des premiers et deuxièmes tour (57%). Plus de la moitié des électeurs ne sont pas allé aux urnes et 83, 5 % n’ont pas voté pour le mouvement d’Emmanuel Macron. Celui-ci n’a attiré que 16,5 % de l’électorat. Au premier tour des législatives, seulement un peu plus de 6 millions de citoyens avaient voté pour « La République En Marche« , sur les 47 millions d’inscrits, c’est à dire 13,4 % des inscrits.
Cette situation inédite ou l’alliance au pouvoir (LREM et MoDem) obtient une majorité très large de sièges ( 359 sur 577) avec aussi peu de voix inaugure une crise de la démocratie représentative pour la nation. A ce stade, on pourrait parler de « post-démocratie ». Le gouvernement fait donc face à un problème de légitimité
Ces élections ont été marquées par des enjeux internes et externes très géopolitiques. Elles confirment la balkanisation de la vie politique française, si l’on se penche sur la réalité des chiffres, et non pas sur les communiqués de partis qui masquent les vrais enjeux.
La Nation française est fracturée et cela provoque une grande incertitude sur la capacité de ce gouvernement à résoudre les enjeux de fond. Puisque le président Macron et son gouvernement ont annoncé vouloir poursuivre l’intégration de la zone euro et se conformer aux normes de l’Union européenne, afin de regagner une crédibilité vis à vis du gouvernement d’Angela Merkel, sa marge de manœuvre est très étroite. Il est marqué par l’idéologie euro-globaliste, qui fait pourtant l’objet d’un rejet important au sein de la nation française. Il faut se souvenir des résultats du premier tour de l’élection présidentielle qui est très représentatif de l’opinion avant le brouillard des combines de partis du second tour des présidentielles et des législatives. Ce premier tour avait montré qu’une majorité d’électeurs avaient une opinion très critique voire hostile au fonctionnement actuel de l’Union européenne et à la mondialisation libérale
L’opposition politique aura du mal à se structurer à l’assemblée car l’alliance LR, UDI, DVD composée de 134 sièges sera affaiblie par les « Macron-compatibles » (députés de l’opposition qui adhèreront au réformes présidentielles) et leur programme n’est pas fondamentalement différent du parti présidentiel. Le nombre de sièges reste trop faible pour les autres partis qui ont été défavorisés par l’absence d’un système proportionnel et par la plus faible mobilisation de leur électorat. Il sont aussi été révoltés ou démobilisés par l’instrumentalisation politique des affaires, le parti pris médiatique et les ingérences européennes et internationales au détriment du débat démocratique.
L’enjeu principal de ce quinquennat, outre la faisabilité des réformes présidentielles est de voir si un nouveau grand parti politique composé de citoyens attachés au modèle de « l’Europe des nations », au renforcement des frontières et opposés à l’immigration de masse pourra se constituer. Il pourrait représenter les citoyens qui ont voté contre le parti présidentiel et qui se sont abstenus, mais qui sont potentiellement majoritaires. On pourrait aussi toutefois imaginer un revirement idéologique du président et de son gouvernement face au principe de réalité, au moins partiel. Face aux crises géopolitiques multiples qui vont s’accumuler, et face à l’hostilité d’une grande partie de l’électorat, des inflexions majeures seront probablement nécessaires de la part de ce gouvernement (ce que certains appellent la « droitisation »), pour éviter une crise de la représentativité plus grave encore et de subir à leur tour la défaite électorale.
Dr Pierre-Emmanuel Thomann – Géopolitologue – Eurocontinent
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