« Brussels Queer Graphics », au « Design Museum », à Bruxelles jusqu’au 07 Janvier

Affiche ne tenant pas compte de la prolongation jusqu’au 07 janvier 2024 © « Design Museum »
Depuis sa création, le « Design Museum Brussels » marque la volonté de questionner le design graphique comme un champ à part entière du design. Après « The Paper Revolution » (2017), « Graphics 58 » (2018) et « Punk Graphics » (2020), c’est, en 2023, le langage visuel spécifique des communautés LGBTQI+ qui est le sujet de cette exposition.

© « Design Museum » © Photo : « SDP »
Affiches, flyers, magazines et objets divers racontent une époque, ses combats et ses réalités. L’exposition « Brussels Queer Graphics », prolongée depuis le lundi 06 novembre 2023 jusqu’au dimanche 07 janvier 2024, met en lumière 70 années de langage visuel des communautés LGBTQIA+, à Bruxelles.

© « Design Museum » © Photo : « SDP »
Avant toute autre chose reprenons le propos d’Aranaud Bozzini, directeur du « Design Museum » et de Zoubida Jellab, présidente de l’asbl « Atomium » : « Nous constatons une évolution du design graphique pleine de subtilités et d’anecdotes, qui se découvre, actuellement, au pied de l’ ‘Atomium’. Aujourd’hui, les musées ont le potentiel, sinon la mission, d’être des espaces engagés, qui reflètent les différentes communautés et la diversité qui nous entoure. De la sorte, ils peuvent agir comme des agents de changements positifs. »

© « Design Museum » © Photo : « Getty Images »
« Des affiches, des cartes de membre, des fanzines, des t-shirts, des flyers, des pamphlets, des pin’s, des préservatifs, des t-shirts, … sont utilisés dans l’exposition et la publication jointe. C’est l’occasion d’embrasser 70 ans d’images d’une riche histoire culturelle, du quotidien et de l’activisme d’individus, de communautés, d’associations et de groupes LGBTQI+, à Bruxelles. »
« Au fil de l’exposition du ‘Design Museum Brussels’, on se rend compte que ce design ‘d’en-bas’ est inventif. La maîtrise rudimentaire des techniques est la signature d’une désobéissance artisanale, qui défie l’ordre établi », résument-ils.

Préservatifs © « Collection Fonds Suzan Daniel » © « Design Museum » © Illustration: Frédérique Guiot
Ces derniers poursuivent : « Le graphisme promeut une forme alternative de collectivité. Que ce soit dans le cadre festif ou dans une démarche militante, ces créations graphiques offrent une visibilité accrue de ces communautés et leur permettent de s’identifier auprès de publics spécifiques. Passant entre autres, par l’humour, le détournement d’images de la culture populaire, la construction d’un graphisme subversif opère comme un vecteur de renforcement communautaire et de célébration de la différence. »

Affiche à l’époque du « do it yourself » © « Design Museum »
Les premiers projets graphiques des communautés LGBTQI+, à l’heure où le numérique n’était pas là pour épauler la communication, étaient évidemment complètement « do-it-yourself » (« faites le vous-même »).

Brochure « La Belgique Gai »/1980 © « Collection Fonds Suzan Daniel » © « Design Museum »
Aline Baudet, professeure d’histoire du graphisme à « La Cambre », nous déclara : « Certaines œuvres se révèlent très sensibles. On sent l’urgence dans laquelle elles ont été produites, cette fragilité se révèle très émouvante. Elles portent les stigmates de leur fabrication, de leur temps. »
D’autres part, elle s’interroge : « On peut se poser la question du choix de discrétion de certains symboles comme celui de la double hache chez les lesbiennes. Les communautés plus marginalisées se retrouvent-elles dans le discours général ? Est-ce qu’elles ont besoin de se visibiliser de manière différente ? »

Version actuelle du drapeau arc-en-ciel, pour la « Pride »/2023 © « Design Museum »
N’oublions pas, par ailleurs, que les symboles ne cessent d’évoluer, telle la dernière version du drapeau arc-en-ciel, qui inclut, désormais, les personnes intersexes, racisées & trans.

« Pride »/1996 © « Design Museum »
Ce drapeau arc-en-ciel, créé à San Francisco, ne fut utilisé à Bruxelles qu’ « en 1997, lors de la deuxième pride ; la première, en 1996, ayant mis en avant un triangle rose, symbole des persécutions sous les nazis » nous rappela le commissaire de l’exposition, Terry Scott, David Paternotte ayant ajouté : « Le triangle rose renvoi à une histoire de victimisation, le drapeau arc-en-ciel est beaucoup plus positif ».

© « Design Museum » © Photo : « SDP »
Afin de saisir les enjeux du langage visuel qui nous est présenté, David Paternotte, chargé de cours en sociologie, à l’ « Université Libre de Bruxelles », nous rappela quelques jalons de l’histoire locale LGBTQIA+ : « C’est en 1953 que l’activiste lesbienne Suzan Daniel (Suzanne De Pues/1918-2007) crée le premier mouvement homosexuel connu en Belgique. Dans les années ’50-’60, le militantisme se fait alors discret, en raison notamment d’un contexte de répression relativement important. »

Affiche pour le 31 janvier 2024 © « Riches Claires » © « Design Museum »
Dès les années ’50, les communautés LGBTQI+, à Bruxelles, utilisent le graphisme et développent un langage spécifique. Cette grammaire visuelle signale leur présence et leurs engagements envers un ensemble de principes, d’identités et de valeurs partagés.
N’oublions pas qu’en 1965, l’article 372bis du Code Pénal belge éleva la majorité sexuelle, pour les relations homosexuelles. Aussi, les premières associations, essentiellement masculines, se limitaient, bien souvent, à offrir un espace protégé de rencontres. Ainsi, ce n’est qu’au lendemain de « Mai 68 », que sont apparus d’autres groupes, porteurs d’une autre vision du militantisme et de l’identité homosexuelle.
Dans les années ’70 émergent des mouvements homosexuels plus radicaux, comme le « Mouvement homosexuel d’Action révolutionnaire » ou les « Biches Sauvages ». « Ces mouvements ne durent qu’un temps, mais leur puissance fait naître une autre forme de militantisme beaucoup plus identitaire« , poursuivit David Paternotte.
Il faudra attendre la fin des années ’80 pour voir les ordinateurs prendre la relève. Mais quoi qu’il en soit un trait permanent restera : l’acte de subvertir, qui, encore dans les années ’90, nous permit de constater que notre drapeau tricolore ou les membres de la famille royale belge pouvaient être utilisés. Même la couverture d’un ancien permis de conduire fut transformée en « permis de séduire ».

« Permis de séduire » © « Collection Fonds Suzan Daniel » © « Design Museum »
Notons que dans les années ’80 et ’90, le graphisme des associations fit appel à les symboles nationaux belges, du drapeau jusqu’à la famille royale, dont la reine Fabiola de Mora y Aragón (1928-2014).

La reine Fabiola, avec le drapeau arc-en-ciel en collier © « Design Museum »
Entre lutte et célébration, agitation et compromis, ce graphisme promeut une forme alternative de collectivité. Que ce soit dans un cadre festif ou dans une démarche militante, ces créations graphiques offrent une visibilité accrue de ces communautés et leur permettent, toujours au XXIè siècle, de s’identifier auprès de publics spécifiques.

Affiche « En Avant Marche »/199 © »Collection Fonds Suzan Daniel » © « Design Museum »
Soulignons que cette exposition nous est présentée sur le fond d’un double anniversaire : les 70 ans de la création du « Centre culturel belge », premier groupement homosexuel belge, que l’on doit à une femme, Suzan Daniel (1918-2007), et les 20 ans de l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe.

« Autonomies lesbiennes « /2016 © « AVB – ASB Fonds Fauconnier » © « Design Museum »
Cette exposition résulte d’une collaboration entre le « Design Museum Brussels » et l’équipe de « STRIGES », la structure de recherche interdisciplinaire sur l’égalité, le genre et la sexualité de l’ « ULB », avec le soutien des « Archives de la Ville de Bruxelles », le « CARHiF » (« Centre d’Archives et de Recherches pour l’Histoire des femmes ») et le « Fonds Suzan Daniel ».

Livret de l’ « ULB » © « Collection Fonds Suzan Daniel » © « Design Museum »
Pour ceux qui le souhaitent, signalons qu’un intéressant livre-catalogue broché (Ed. « CFC »/collectif d’auteurs/2O23/broché/ 128 p./ 21 x 27,5 cm) est disponible à un prix des plus démocratiques : 18€. A noter que ce livre-catalogue s’articule autour de 6 chapitres thématiques : visibiliser, fabriquer, subvertir, (se) reconnaître, révéler et informer.
Livre-Catalogue Queer (collectif d’auteurs) © Ed. « CFC »
Pour actualiser tout débat sur cette exposition, signalons que le lundi 18 décembre, le Pape François (Jorge Mario Bergoglio/°Buenos Aires/1936) – par un document officiel du « Vatican », signé par le nouveau préfet du « Dicastère pour la Doctrine de la Foi », Mgr Victor Manuel Fernandez (°Alcira Gigena/1962) – reconnaît qu’ « il est possible de bénir les couples en situation irrégulière et les couples de même sexe ». Certes ce n’est qu’une étape avant un éventuel futur accès à un mariage homosexuel reconnu par l’Eglise catholique, … mais quel progrès par rapport aux pensées qui étaient de rigueur, en Belgique, dans les années ’50 !

Affiche pour un Festival/2013 © « Bronks »/Bruxelles © « Design Museum »
D’ailleurs n’oublions pas que l’homosexualité est parfaitement illégale dans certains pays. Ainsi, selon le rapport 2020, de l’« Association internationale des Personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, trans et intersexes », l’homosexualité est réprimée par la loi dans 69 pays du monde.

Photo d’actualité, non exposée
Ainsi, le mercredi 31 mai 2023, nous pouvions lire, concernant l’Ouganda, que le président Yomeri Musenevi (°Ntungamo/1944) venait de promulguer une loi anti « LgBT+« parmi les plus restrictives au monde : « Elle s’appelle loi anti-homosexualité 2023. Lorsque vous commettez un acte d’homosexualité aggravé, selon la loi, vous serez passible de la peine de mort », ce qui ne manqua pas de réjouir Asuman Basalirwa (°1977), le député, auteur du projet de loi, désormais accepté, ceci à l’inverse de l’ « ONU », qui n’a pas hésité à dénoncer ce « texte discriminatoire, probablement le pire au monde en son genre ».
Réjouissons-nous de compter, à l’opposé, parmi les pays les plus progressistes au monde, ce que démontre parfaitement cette exposition, qui ne manquera pas de nous faire sourire à la vue de certains objets exposés.

© « Design Museum »
Ouverture : jusqu’au dimanche 07 janvier 2024, tous les jours, de 11h à 19h (fermeture de l’accueil à 18h30). Prix d’entrée (incluant l’accès aux collections permanentes & à deux autres expositions temporaires) : 10€ (8€, pour les étudiants, les enseignants et dès 65 ans / 4€, de 12 à 18 ans / 0€, pour les moins de 12 ans, les détenteurs du « museumPASSmusées » et de la « Brussels Card » / prix adaptés pour chaque membre de groupes de minimum 10 personnes / 2€ de réduction, sur présentation d’un billet d’entrée au « CIVA », « Design Museum » de Gent, « Grand-Hornu », « Keramis » de La Louvière, « Train World » de Schaerbeek, à la « Villa Empain » d’Ixelles ou d’un billet de train « Thalys »). Livre-Catalogue : 18€. Contacts : 02/669.49.29 & info@designmuseum.brussels. Site web : https://designmuseum.brussels/.
Les deux autres expositions temporaires sont « Christophe Gevers, l’Architecture du Détail », accessible jusqu’au dimanche 10 mars 2024 et « Résonances, Rencontre entre l’Art nouveau et le Design plastique », accessible jusqu’au lundi 15 avril 2024.
Outre l’éventuelle visite des collections permanentes du « Design Musem Brussels », nous pouvons profiter de notre présence au Heysel, en retrouvant l’esprit des années ’50, en nous rendant au tout proche « Atomium », vestige récemment restauré de l’ « Expo 58 » (« Exposition universelle et internationale de Bruxelles »),qui se tint sur ce plateau du Heysel, du 17 avril jusqu’au 19 octobre 1958.

© « Design Museum » © « Atomium »
Outre la collection permanente nous rappelant, avec de nombreux objets et photographies, ce que fut cet immense événement, une exposition temporaire, moderne à souhait, authentique ode aux arts numériques, intitulée « Restart », présentée dans une boule de l’ « Atomium », étant accessible, jusqu’au dimanche 01 septembre 2024.

Exposition temporaire au sein une « boule » © « Resart » © « Atomium »
Concernant les concepteurs de cette exposition, le collectif parisien d’artistes multidisciplinaires « Visual System », les responsables de l’ « Atomium » écrivirent : « Par leur maitrise technique et la poésie de leurs propositions artistiques, leurs créations rencontrent nos aspirations et les attentes de nos différents publics. Leur passion et leur engouement pour ce bâtiment en font un terrain de créativité propice à l’expérimentation et au développement de projets forts et singuliers qui marquent notre programmation ».
Yves Calbert.
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