L’HERITAGE DE ROGIER VAN DER WEYDEN

The Braque Triptych, c. 1452 (right panel)

« L’Héritage de Rogier van der Weyden »
Jusqu’au 26 janvier 2014, les « Musées Royaux des Beaux-Arts » de Bruxelles nous proposent une fort intéressante exposition d’œuvres, souvent peu connues, évoquant la peinture à Bruxelles, de 1450 à 1520, sur les traces de Rogier van der Weyden, aussi répertorié  sous le nom de Roger de la Pasture, voire Rogerius de Pascua, Rogerius Sweidenus, Magister Gulielmo, Meister Rudier ou encore Rogero.
Les commissaires, Véronique Bücken et Griet Steyart, ont consacré ses quatre dernières années à rechercher les œuvres qui pourraient être exposées, à cette occasion, dans leur musée, l’une étant chef de la section « peintures anciennes et l’autre collaboratrice scientifique. Ainsi, nous avons la chance de voir rassemblées, à titre exceptionnel, des peintures venues de quelques Musées parmi les pus importants (« Musée du Louvre »/Paris, « British Museum »/Londres, « Rijksmuseum »/Amsterdam », « Museo Nacional de Arte Antigo »/Lisbonne, « Museo Nacional des Pradol »/Madrid, « Galleria degli Uffizi »/Florence, « The Metropole Museum of Art » »/New York, « National Gallery of Art »/Washington ou même « National Gallery of Victoria »/Melbourne), permettant,  notamment, pour l’occasion, de recomposer des triptyques ou autres polyptyques, dont les différents panneaux sont habituellement exposés dans plusieurs musées, souvent bien éloignés de Bruxelles.
Arrivé dans notre capitale, venant de Tournai, en 1435, Rogier van der Weyden, devenu peintre officiel de la ville de Bruxelles, décède en 1464, laissant, fort probablement, son atelier à son épouse, Elisabeth, et à son fils, Pieter (1437 – 1516), à qui il avait légué sa passion pour la peinture, l’ayant pris comme collaborateur pendant plusieurs années. Comme, à l’époque, les peintres n’avaient pas pour habitude de signer leurs tableaux, l’on ne peut être sûr quant aux œuvres réalisées par Pieter van der Weyden, aucun tableau ne portant son nom.
De fait, au début du XXème siècle, les tableaux anonymes (seulement deux sont signés au sein de la présente exposition) du XVème siècle furent classés par affinités stylistiques, prenant le nom d’une œuvre, précédée de « Maître ». Ainsi, nous trouvons : les « Maître de la Légende de Ste.-Catherine », « Maître de la Légende de Ste.-Barbe » et « Maître de la Légende de la Madeleine ». D’autres noms ainsi attribués, le sont autour d’une caractéristique, comme les « Maître au Feuillage doré » et « Maître à la Vue de Ste.-Gudule » ou d’une série d’un même sujet, comme le « Maître de la vie de Joseph ». Nous voici donc bien confrontés à des oeuvres de … « Maîtres », sachant que des analyses scientifiques ont révélé que plusieurs collaborateurs, provenant parfois de différents ateliers, ont souvent travaillé à la réalisation d’un même tableau.
« St.-Luc dessinant la  Vierge » est attribué à Hugo van der Goes, maître à la gilde des peintres de Gand, avant de installer au prieuré du « Rouge-Cloître » vers 1475, où il décède en 1482. Ayant été honoré par la visite de l’empereur Maximilien, il a marqué de nombreux peintres actifs à Bruxelles, dont Aert Vanden Bossche.

English: Rogier van der Weyden. Portrait of a ...

Ce dernier réalisa l’un des panneaux du « Triptyque des Miracles du Christ », point d’orgue de l’exposition, nous venant d’Australie. Les deux autres panneaux furent attribués au Maître de la Légende de Ste.-Catherine et au Maître des Portraits princiers. Ligne d’horizon, perspective et échelle des personnages étant différentes d’un panneau à l’autre, il est à penser que, chacun travailla isolément dans son propre atelier, les trois panneaux n’étant rassemblés qu’après leur réalisation.
En 1461, se terminait la construction du char de Ste.-Gudule. Quatre panneaux, dont « Le Banquet du Chevalier », peints sur bois par le Bruxellois Jacop Sourdiaus nous sont présentés, sur les 24 qui décoraient ce char, toujours conservé à la Collégiale Ste.-Gudule de Nivelles.
Moins marqué par l’épreuve du temps, le « Bouclier de Parade », du Maître des Portraits princiers, est une autre pièce maîtresse de  la présente exposition. Cet authentique bouclier, habilement taillé d’un seul tenant dans un tronc d’arbre, devait constituer un trophée à offrir au vainqueur d’un tournoi, évitant ainsi d’être abimé au combat, ce qui nous permet d’observer aujourd’hui toute la finesse de la peinture qui le recouvre. De ce Maître, nous trouvons, également, le « Portrait de Louis Gruuthuse », tout naturellement conservé à Bruges, dans le musée du même nom.
Question : comment a-t-on pu attribué à ces tableaux non signés leur rapport avec Bruxelles? Simplement par des marques de menuisiers incrustées sur la traverse intérieure des cadres originaux, notamment celle d’un compas. Ceci étant d’autant plus important pour pouvoir relier des œuvres étant restées anonymes à leur réalisation dans la capitale. A noter que des agrandissements photographiques attirent notre attention sur ces marques.
Par contre, les premiers tableaux signés, en rapport avec Bruxelles, sont ceux de Colyn de Coter, Ainsi, nous pouvons lire la mention « Colyn de Coter m’a peint en Brabant, à Bruxelles » sur « La Vierge couronnée par les Anges ». Il sera suivi par Bernard Van Orley, qui intégrera dans son oeuvre des motifs inspirés par l’école italienne de Raphaël ou Léonard de Vinci.
Si la présente exposition commence tout naturellement avec différents tableaux de Rogier van der Weyden – dont sa « Pietà » et son « Portrait d’Antoine de Bourgogne » (autrefois nommé « Portrait de Charles le Téméraire », acquis dès 1861) -, elle se termine donc sous la signature de Bernard Van Orley, avec son « Triptyque Haneton » et son « Polyptyque de Job et de Lazare », les quatre œuvres citées faisant partie de la collection permanente des « Musées Royaux des Beaux-Arts ». N’oublions cependant pas la performance des deux commissaires d’avoir pu obtenir en prêt des ouvres provenant de 161 autres musées et de nombreux collectionneurs privés.
Certes le prix d’entrée (14€50 du mardi au vendredi/17€50 le week-end, pour un adulte, audio-guide inclu) peut paraître élevé, mais l’exposition mérite assurément de connaître un grand succès. Pour les autres tarifs (seniors, jeunes 13-26 ans, enseignants et visiteurs à mobilité réduite), ainsi que pour tout autre renseignement (visites guidées, conférences, …), consultez http://www.fine-arts-museum.be/. Notons également , la « journée famille », le 24/11, avec la possibilité pour les enfants de se munir d’une mallette de peintre, afin de reproduire les aventures légendaires de Gudule, Barbe, Gertrude, Crespin, …, pendant que les parents s’offrent une visite guidée (10€75 par adulte et 6€00 par enfant jusqu’à 12 ans inclus/cfr. « news » sur http://www.extra-edu.be/). Très intéressant catalogue : 40€00, pour 384 pages (incluant 83 pages d’essais en rapport avec la peinture à Bruxelles, au XVème siècle), richement illustrées, édité par « Lannoo ».
… Et, cette fois, confirmation officielle de Michel Draguet, directeur des « Musées Royaux des Beaux-Arts » et du « Musée Magritte », le « Musée Fin de Siècle » va bien s’ouvrir, à Bruxelles, ce sera le 06 décembre, une bien jolie Saint-Nicolas pours tous les amateurs d’art! …
Yves Calbert.
"Extreme Unction", part of The Seven...

« Extreme Unction », part of The Seven Sacraments, by Rogier Van der Weyden (1445). (Photo credit: Wikipedia)

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