« Le Monde à l’Envers » à Binche #culture #art
Sur 800 m2, après avoir été présentées a Marseille, plus de 200 pièces sont offertes a notre curiosité, au travers de 3 sections:
– composantes des mascarades traditionnelles et leur lien a la nature cyclique des saisons;
– diversité des masques et transformation symbolique pouvant opérer sur les personnes les portant;
– parade urbaine contemporaine et ses caractéristiques.
Mais pourquoi « Le Monde a l’Envers »? Parce que l’univers du carnaval bouleverse les codes établis, l’homme éprouvant un besoin périodique de renverser l’ordre du monde, cherchant dans le carnaval un divertissement, un exutoire, une pratique authentique, du bonheur et du rêve. La « Mise à l’Envers » de l’ordre des choses est spécifique à ces fêtes.
Nous entamons notre parcours par un masque à 2 têtes du carnaval de Venise, suivi par un vélo à 2 guidons de celui de Marseille. Viennent ensuite un masque de chauve-souris (Rio de Janeiro/évoquant l’animal qui hiberne et dont le réveil annonce le printemps), ainsi que des masques de la lune et du soleil (Venise/évoquant le cycle du temps).
Les « sonneurs de cloches » (ces dernières pouvant être très nombreuses sur la même personne, voire très volumineuses, jusqu’ a plus de 40 kgs en Croatie ou en Sardaigne) sont souvent porteurs de peaux d’animaux. Ils créent un vacarme destiné a chasser l’hiver, les fautes et les mésententes de l’année écoulée et les forces du mal, de réveiller la végétation, de hâter la venue du printemps et d’appeler la prospérité et l’harmonie sur l’année à venir.
Indissociablement lié à la mort, le carnaval est célèbré pendant une période de passage, un moment suspendu, où l’on considère que les enfers s’ouvrent et que les morts reviennent sur terre demander des comptes aux vivants.
Dans une salle, une série de balais, pendus au plafond, nous rappellent que, dans tous les carnavals traditionnels, des personnages, armés de balais, chassent la neige et l’hiver, faisant place nette pour l’année nouvelle. A voir, également, l’ « Homme Arbre » et l’ « Homme Maïs », stimulant le renouveau de la nature. Nombre de jeunes-hommes se transforment en animaux, le cheval-jupon, la chèvre et l’ours étant les plus fréquents, … tout en aimant attirer les jeunes filles.
… Ce qui peu se faire autrement, avec des instruments, comme le grand « zig-zag » espagnol ou, plus près de nous, la « haguette » malmédienne, présentés, quelque peu à l’écart des enfants (des photos, notamment placées sur certaines coiffes évoquant, notamment, la copulation), dans une alcôve, célébrant et moquant la sexualité, thème souvent évoqué dans les rites carnavalesques, puisque lié a la fécondité des femmes et, donc, a la prospérité de la communauté… Et, tout a l’opposé, dans une autre salle, nous trouvons une intéressante évocation sur les rituels masqués des mondes musulman et juif… Plus loin encore, évocation du monde politique, des maques ayant les traits de personnalités, parfois montées sur des chars, dont on peut, pour une fois, se moquer!… Un bel exemple de contestation carnavalesque! …
« La fonction originelle des carnavals et mascarades est de refonder le monde, de rétablir l’ordre et l’harmonie après un retour volontaire au désordre et à la nuit… Carnavals et mascarades nous entraînent dans un imaginaire commun très ancien, tout en mettant en scène les sociétés contemporaines, nos identités réelles ou supposées, nos préoccupations et nos peurs, … jouant sur l’ambiguïté du dissimuler/révéler, tout en restant fidèle à l’esprit de la fête carnavalesque, … dont les rites sont censés remédier à l’idée du chaos », écrit la commissaire, Marie-Pascale Mallé.
Le carnaval est l’occasion d’exprimer les utopies et les préjugés. La relation entre hommes et femmes, maîtres et esclaves, sauvages et civilisés, exprime également le rapport à l’autre et nous permet ainsi de redéfinir qui nous sommes par un jeu de reflet. Et si le masque inclut dans sa définition l’ensemble du costume, la partie qui cache le visage exprime le plus explicitement une transformation symbolique de la personne qui le porte, lui permettant d’être un autre ou, justement, d’être davantage lui-même.
Une superbe scénographie présente, ainsi, pour chaque thème, nombre de mannequins porteurs de déguisements sur tout le corps, de masques sur le visage, de coiffes, d’objets divers, de photographies, de peintures, de vidéos (entre autres, où des porteurs de masques, de diverses origines, témoignent des émotions que le port du masque permet d’exprimer), sans oublier une variété de bandes sonores nous permettant de vivre intensément nombre de « Carnavals et Mascarades d’Europe et de Méditerranée », mais également des communautés créoles, que nous ne pouvons tous évoquer en ces quelques lignes.
Avec Christel Deliege, directrice du « MiCM », « souhaitons, au travers de l’exposition « Le Monde a l’Envers », confirmer notre raison d’être dans un monde qui a besoin de (re)découvrir l’importance de la fête collective et, souvent, masquée, lieu d’intense sociabilité et d’échanges pour construire le monde demain ».
Ouverture du Musée, du mardi au vendredi, de 09h.30 à 17h., le samedi et le dimanche de 10h.30 à 17h. Prix d’entrée, incluant l’audio-guide et la possibilité de découvrir la collection permanente consacrée, bien sûr, aux Gilles de Binche: 8€ (seniors & étudiants: 7€, 6 à 17 ans: 3€50, résidents binchois: 5€, PMR: 4€, jusqu’à 5 ans inclus, ainsi qu’ établissements scolaires & mouvements de jeunesse reconnus par la « Fédération Wallonie-Bruxelles: 0€). Site: www.museedumasque.be.
A noter l’édition d’un ouvrage fort bien illustré: 39€90 (Ed. « MuCEM »-« Flammarion », 336 p., 20cm50 x 28 cm).
Yves Calbert.



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