PIXELS OF PARADIS
Jusqu’au 25 mai, Liège vous attend avec sa 9ème « Biennale de Photographie et d’Art visuel », intitulée « Pixels of Paradise, Image et Croyance », nous offrant douze expositions majeures et un parcours « off » constitué de dix-neuf expos.
Le « voire et le croire », profondément inscrits dans la tradition chrétienne, sont les deux mots-clefs de « BIP » 2014, l’image, ambigüe source de promesses, mentant et disant la vérité en même temps. Son pouvoir d’envoûtement et sa puissance de preuve vont de pair, ce terreau culturel ayant des conséquences sur notre rapport aux images, que l’on soit croyant ou pas.
Le fanatisme de l’image et son cortège d’effets de croyance prend, de nos jours, une dimension qu’elle n’a jamais atteinte auparavant, peut-être en contre-point d’une société qui se prétend rationnelle. Industries médiatiques et de la communication, prosélytisme religieux et spirituel de toute sorte, marketing et économie comptent parmi les champs d’action des images, lourdement convoquées pour nous pousser à les suivre
Parcourons maintenant quelques expositions, en commençant par la « Cité Miroir », ce nouveau lieu implanté dans une ancienne piscine, comme à Roubaix ou à Mouscron. Sur plusieurs étages, 8 photographes, issus de 5 pays, présentent « Idoles », entre démocratie et dictature, culte de la personnalité en Syrie, célébrations déshumanisantes en Corée du Nord, chutes de régimes totalitaires, médiatisation télévisuelle de l’histoire, … Notons les photographies en grands formats, théâtralisation de la guerre, du Français Eric Baudelaire, dont son diptyque « The Dreadful Details » (2006), et soulignons, en première mondiale, l’installation vidéo (2009, 9’20 »), en triptyque, de l’Américain Robert Boyd, intitulée « The Man who fell to Earth », un montage poignant et fort sur la chute des régimes et des hommes. A voir, assurément!
En « Feronstrée », sur trois étages, au « Musée des Beaux-Arts de Liège » (« BAL »), découvrons « Icônes », un intéressant dialogue entre les peintures de la collection permanente du musée et les réalisations de 24 photographes, originaires de 6 pays. Cette expérience périlleuse mais enrichissante met, entre autres, en relations, une huile sur toile de Cécile Douard (1866-1941), « Le Terril », avec un tirage photographique de clichés collectés sur internet par Corinne Vionnet (Fr.), « Matterhorn » (2006), deux formes semblables présentant l’un de nos anciens sombres terrils face à une impressionnante montagne couverte de neige. Opposition de portraits, aussi, avec un « Portrait d’Homme », vu de face, en costume d’époque, de Gérard Douffet (1594-1660), et « Orthodox Eros 2 » (2009), présentant un homme, partiellement dénudé, vu de dos.
A noter, une intéressante série de photographies mettant en valeur les masques africains, réalisée par Jean-Claude Moschetti (Fr.), dont « Volta noire » (2010) ou une autre, due à Michael Wolf (All.), intitulée « China Copy Art » (2006), présentant des mises en scène mettant en contraste la vie locale de simples quartiers chinois et des oeuvres abstraites aux couleurs vives, ces peintures figurant sur ses photographies. N’oublions pas de citer un imposant polyptique, « The last Supper » (1998), de Raoef Mamedov (Rus.) et une salle consacrée aux projections en vidéo. Impressionnisme, surréalisme, courants abstraits et minimalistes sont, ici, inscrits dans leur devenir, à travers des relectures et des poursuites qui s’inscrivent au détour des évolutions de l’art et des techniques.
A proximité, le « Musée D’Ansembourg », hôtel particulier du XVIIIème siècle, aux décors intérieurs d’origine, classé comme « Patrimoine Majeur de Wallonie », nous sert d’écrin pour une réflexion sur le virtuel, l’illusion et le vide contemporain, en contraste radical avec le lieu baroque, respirant le luxe et l’abondance, accueillant l’exposition « Mirages », tournée vers la (post) modernité. Présentés au milieu d’un mobilier de style Louis XIV – Louis XV, plusieurs vidéos, dont l’une, « Immersion » (2008), de Robbie Cooper (UK), nous révèle le portrait du jeune garçon figurant sur les affiches et la couverture du catalogue. Notons, à l’étage, une amusante capture d’images, « The oral Thing » (2001, 08′), de Bjorn Melhus (All.). Egalement, une série de froides images du christianisme, « Sacré » (2012), signées Matthieu Gafsou (CH), et, surtout, à ne pas manquer, « L’Objet petits Tas » (2013), de Loriot-Mélia (Fr.), une création sonore en boucle, avec jeux de mini-miroirs projetant une image sur un mini-écran, placé dans une simple … boîte de stockage.
Montons sur les hauteurs de Liège et remontons le temps, jusqu’au XVIème siècle, afin de découvrir le magnifique cadre de la « Chapelle Saint-Roch » et l’exposition présentée par le « MADmusée », « OMG » (« Oh My God »). Découvrons, ici, le travail de Mario Del Curto (CH), exposant ses photos prises de par le monde, révélant des oeuvres particulières d’art brut, méconnues mais si intéressantes, dévoilant les ressorts impérieux de la création chez ces artistes hors du commun, souvent issus de milieux modestes, ces maçons, bergers, agriculteurs, plombiers, cordonniers, … sculptant des rochers ou réalisant des sculptures en pleine forêt, dressant des sanctuaires de coquillages, réalisant des cathédrales en mosaïque, gravant les murs d’asiles de signes hiéroglyphiques, …, leurs oeuvres extérieures étant, parfois, condamnées à être recouvertes par la nature.
Par ailleurs, une collection d’anciennes cartes postales, récoltées par Jean-Michel Chesne (Fr.) nous montre, en toute simplicité, des réalisations d’exception, comme le fameux « Palais idéal » (1879-1912), classé « Monument historique » en 1969, réalisé par un facteur, Ferdinand Cheval (Fr., 1836-1934), à Hauterives, dans la Drôme. A l’étage, deux vidéos, dont l’une nous offre des images, en noir-et-blanc, nous apprennant qu’au bois de Boulogne, au début du 20ème siècle, des bourgeois parisiens, endimanchés, s’attablaient à des terrasses installées dans de vénérables … arbres!!! …
De retour près d’un grand boulevard liégeois, « Data Zone », de Philippe Chancel (Fr.), nous est présentée dans la « Salle 7″ de l' »Académie des Beaux-Arts ». Ici, tout part du réel, sans le moindre trucage, la moindre mise en scène. Il illustre, avec talent, en tout grands formats, tant le pouvoir autoritaire et omniprésent en Corée du Nord que l’ultra capitalisme caricatural de Dubaï ou la catastrophe surmédiatisée de Fukhushima. Ses images, proposées avec l’enthousiasme propre à tout explorateur, dans un style clair et frontal, sont précises, détaillées, dénuées d’affect, sans exotisme, ni effet de style.
Sur le site de l’ancienne « Caserne Fonck », où Georges Simenon effectua son service militaire, nous nous retrouvons dans les bâtiments de l' »Institut supérieur des Beaux-Arts Saint-Luc », où nous gagnons le « Hangar B9 » qui accueille « About the Chair », en partenariat avec le « Centre international d’Art contemporain Meetfactory » de Prague. La chaise, objet simple de la vie courante, synonyme de temporalité et de bases solides, pouvant questionner le social et donner lieu à une réflexion philosophique, nous est présentée en photographies, vidéos, installations, …, par 34 artistes tchèques, émergents ou reconnus, la biennale de Liège devant être, ultérieurement, présentée à Prague.
Les autres expositions proposées sont « Vues de l’Esprit » (« Maison Renaissance de l’Emulation »), « Evermore » (« Espace 251 »), « Prescience » (« Imprimerie Raymond Vervinck », éditrice du catalogue), « Borderline » (« Galerie Satellite ») et « Revoir » (« Brasserie Haecht »), cette dernière exposition présentant, à partir du 10 mai, le travail d’une photographe accueillie en résidence, Zoé Van Der Haegen (Belg.).
N’oublions pas, non plus, 30 approches singulières du thème de cette 9ème biennale, « Voire et Croire », réalisations de 30 photographes locaux, âgés de 13 à 30 ans, ayant travaillé, durant quatre mois, en « Maisons de Jeunes », sous la conduite d’animateurs d’ateliers photographiques et de l’artiste plasticien Michael Dans, auteur de la scénographie urbaine, permettant aux photographies d’être exposées, à ciel ouvert, dans les rues de Liège.
Prix d’entrées : « BIP_Pass », pour toutes les expos : 15 et 20€00; « Cité Miroir » et « BAL » : 8 et 10€00; « Musée d’Ansembourg », « Hangar B9 » et « Soc. libre d’Emulation » : 3 et 5€00. Conditions spéciales pour les « Art 27 ». Autres expositions : accès libre. Catalogue disponible. Pour plus de renseignements : http://www.bip-liege.org.
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